Sortie du glyphosate


La sortie du glyphosate, entre attente sociétale et complexité de mise en œuvre.

Les débats à l’Assemblée nationale, lors de l’examen du projet de loi « pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et une alimentation saine et durable », ont rappelé les attentes de nos concitoyens en matière de santé et d’environnement ; confirmant le mouvement de fond déjà observé, à l’échelon européen, lors de l’initiative citoyenne européenne d’octobre 2017 visant à  « interdire le glyphosate et protéger la population et l’environnement contre les pesticides toxiques ».  Initiative ayant obtenu plus de 1 million de signatures, dont 57 895 en France et plus de 660 000 en Allemagne.

Cette loi issue des États généraux de l’alimentation s’articule en 18 articles, répartis dans ses 2 titres. Son examen en première lecture à l’Assemblée nationale a suscité plus de 2 300 amendements de la part des députés de tous groupes politiques. Dans ce maquis, l’un d’entre eux visait à inscrire dans la loi la sortie du glyphosate à échéance 3 ans. Une majorité des députés présents au moment du vote a rejeté cet amendement, déclenchant un important mécontentement chez celles et ceux qui voient dans cette perspective une importante avancée sociétale pour la santé et l’environnement.

Les limites d’un débat qui s’inscrit dans l’émotionnel.

Depuis le vote contre cet amendement, le « glyphosate » est devenu le sujet de discussion prégnant, repris par un nombre important de françaises et de français. Les avis divergent, les opinions s’affrontent, souvent nourries par des informations incomplètes, contradictoires, ou sous l’influence de lobbys qui visent d’autres objectifs, indirects et non avoués.

Les réseaux sociaux se sont emparés du thème, produisant un effet de caisse de résonnance d’arguments parfois sujets à caution. Il apparaît dès lors important d’apporter des éléments de réflexion dans un objectif d’apaisement et de rationalisation du débat. La question de la sortie du glyphosate est complexe et mérite d’être éclairée.

La complexité de la sortie du glyphosate.

Le cas du glyphosate ne résoudra pas, à lui seul, l’ensemble des préoccupations légitimement exprimées à l’égard des autres pesticides. Plusieurs centaines de molécules sont utilisées pour désherber et protéger les cultures vis-à-vis d’agents pathogènes et de prédateurs en tout genre. Le focus sur le glyphosate peut être, paradoxalement, contre-productif dans la mesure où il pourrait laisser croire, qu’une fois interdit, le sujet global des pesticides serait alors réglé.

Un précédent existe, riche d’enseignement. Un autre désherbant, l’atrazine, a fait l’objet d’une interdiction totale d’utilisation fin 2001 en raison de sa toxicité avérée pour les milieux aquatiques et de sa nocivité pour l’homme. La molécule a rapidement été substituée par un autre désherbant … le glyphosate ! L’histoire démontre que cette interdiction a simplement déplacé le problème.

Interdire le glyphosate en France n’empêchera pas l’importation, en provenance d’Europe ou d’ailleurs, de denrées alimentaires dont la production aura fait appel à lui. L’effet recherché ne serait alors pas au rendez-vous et l’excès d’exigences pour nos agriculteurs provoquerait une distorsion de concurrence au bénéfice de produits importés dont les consommateurs ne veulent pas.

Un chemin qui reste à définir.

Avec ce vote contre l’inscription dans la loi de la sortie du glyphosate, le sujet reste donc entier et doit intégrer les nombreuses autres substances chimiques de synthèse dont la nocivité est démontrée. Les transitions à opérer ne seront réussies qu’en garantissant la capacité des acteurs concernés à s’inscrire dans les changements attendus. Dans le cas du glyphosate le syndicat agricole majoritaire a présenté un pacte de solutions pour s’affranchir de la molécule. Il est important de s’inscrire dans une dynamique de confiance en donnant la main aux agriculteurs pour identifier les alternatives à la molécule rejetée par l’opinion publique. En parallèle, parlement et gouvernement, doivent s’emparer du sujet pour préciser des modalités d’une sortie efficace des points de vue sanitaire, environnemental et économique.

Article publié le 15 juin 2018