Loi Duplomb


Vous êtes plusieurs à m’avoir interpellé à la suite de mon vote en faveur de la loi Duplomb : « Mais pourquoi avez-vous voté ça ? », « C’est incohérent avec vos engagements contre la pollution plastique ! », « Je ne comprends pas ! ».

En réponse à vos interrogations légitimes, voici l’explication de mon vote, en 3 parties : les limites de l’article réintroduisant l’acétamipride, le soutien aux agriculteurs, les enseignements de cette séquence parlementaire.

L’article 2 rendait possible l’interdiction de produits phytosanitaires dès lors que les pertes d’exploitation étaient indemnisées. Paradoxalement, il prévoyait ensuite la possibilité de réautoriser l’acétamipride ! Cette contradiction exposait l’application de la loi à un risque important de contentieux juridiques : comment accepter la réautorisation d’un produit dangereux alors même que la loi permettait de l’interdire et d’indemniser les pertes économiques ?

Ensuite, l’article 2 précisait que la réintroduction de l’acétamipride était conditionnée à un avis public d’un conseil de surveillance composé, notamment, des représentants des ministres chargés de l’agriculture, de l’environnement et de la santé, des représentants de la production agricole, des chambres d’agriculture et des représentants de la recherche et des instituts techniques agricoles.

En me penchant sur cette instance, j’ai constaté plusieurs manquements dans sa composition. J’ai donc adressé une question écrite à la ministre de l’Agriculture afin de lui demander de les corriger.

En conclusion, l’article 2 était juridiquement inopérant, rendant la loi très différente de ce que certains lui faisaient dire. J’avais signalé les limites du texte avec une contribution écrite au moment du vote.

Cette analyse de l’article 2 n’a toutefois pas été le seul élément qui a guidé mon choix. Je représente une circonscription dont l’identité est rurale et agricole. Aussi, je rencontre régulièrement des agriculteurs, très éloignés de l’image de lobbyiste renvoyée par Arnaud Rousseau, le président de la FNSEA. Parmi eux, beaucoup de jeunes agriculteurs qui travaillent sans compter leur temps pour nous nourrir sans en tirer un revenu à la hauteur de leurs efforts. Si une grande partie d’entre eux n’utilise pas l’acétamipride, j’ai entendu que mon opposition à la loi Duplomb aurait été interprétée, pour beaucoup, comme un abandon.

Pesant le pour et le contre, conscient des alertes portées par les scientifiques, j’ai finalement choisi de voter pour la loi Duplomb.

Le 7 août 2025, le Conseil Constitutionnel s’est prononcé sur la loi Duplomb en supprimant l’article 2 non conforme à la Constitution et à la Charte de l’environnement.

Je tire deux enseignements de cette séquence.

Le premier est que le pouvoir politique ne doit pas avoir à interdire ou à autoriser des substances chimiques préoccupantes. En effet, selon les orientations politiques des partis gouvernementaux certains interdiraient alors que d’autres n’interdiraient rien ! C’est donc aux autorités sanitaires et environnementales, et à leur neutralité politique, qu’il revient de statuer sur le statut d’interdiction ou d’autorisation, à la lumière des avis scientifiques et dans le respect de l’intérêt général.

Le second est que la loi doit intégrer le principe One Health — la santé unique — selon lequel la santé des plantes, des animaux et des êtres humains est interdépendante. Inscrit au bon niveau de notre droit, ce principe établirait une règle universelle de préservation de la biodiversité et de la santé, et éviterait que ce type de débats ne revienne dans l’arène politique.

J’ai souhaité exposer clairement la construction de mon vote. Il ne constitue en rien un renoncement aux actions que je conduis pour la préservation de l’environnement, du climat, des sols et de la santé. Ce vote repose sur l’analyse d’un texte qui, à mes yeux, n’irait pas au bout, dans un contexte où la société avait exprimé une forte opposition – pour mémoire plus de 2 millions de personnes ont signé une pétition dénonçant le vote de cette loi –. Il est aussi un témoignage de soutien aux agriculteurs mis en difficulté par un débat marqué par des raccourcis qui n’aident pas la transition agricole pourtant nécessaire pour notre environnement, notre santé et notre souveraineté alimentaire.

Article publié le 15 novembre 2025