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Façonné pour nous faciliter le quotidien, séduisant par le confort qu’il nous procure, omniprésent du matin au soir dans chacune de nos activités, le plastique a apprivoisé nos vies de consommateurs ; d’une manière qui peut paraître irréversible tant sa remise en cause est aussi celle de notre mode de vie.

La présence ubiquiste du plastique couronne le succès de ses incroyables propriétés. Quel autre matériau peut revendiquer un faible coût de production, une légèreté qui ne le prive pas d’une grande résistance, une capacité à être transformé en objets d’innombrables formes et couleurs ? Le plastique a toujours été aux rendez-vous de l’histoire. Des guerres de notre siècle aux plus récentes avancées technologiques, il a accompagné les progrès dans les domaines de la communication, du logement, du transport, de la médecine, de l’alimentation, etc.

Ayant tout envahi, sa production a décuplé à une allure folle. Chaque terrien consomme aujourd’hui plus de 50 kilogrammes de plastique par an, contre moins de 10 kilogrammes il y a 50 ans, dans les années 70. Autrement imagé, l’industrie de la plasturgie produit chaque année le poids de l’humanité en produits plastiques. Cette comparaison est d’autant plus vertigineuse quand plus de 80% des plastiques mis sur le marché deviennent des déchets au bout d’une année. Cet emballement produit toujours plus de pertes dans l’environnement à toutes les étapes de la vie des plastiques, de la production de la matière première plastique sous la forme de granulés millimétriques, à la gestion des objets devenus déchets, en passant par leur utilisation.

La révélation des images des continents plastiques et des animaux marins emprisonnés dans des objets plastiques a éveillé les consciences. Le précieux allié a commencé à inspirer des soupçons. Un regard nouveau s’est imposé, toujours plus sévère à mesure que les révélations scientifiques démontraient sa présence là où on ne l’attendait pas : dans les fleuves et les rivières, dans les sols, dans l’atmosphère, dans les organismes vivants. Aucun être vivant, aucun recoin de la planète, ne peut désormais échapper à l’inexorable fuite en avant de la pollution plastique. L’humanité est débordée par la vitesse d’accumulation des déchets plastiques que ses modes de vie et de consommations engendrent.

Pour répondre à ce défi planétaire, face auquel il serait condamnable de fermer les yeux, la communauté internationale s’est retrouvée à Paris du 29 mai au 2 juin dernier pour travailler à un traité international juridiquement contraignant visant à mettre un terme à la pollution plastique.

Les débats ont mis à jour des différends, sur la forme et sur le fond. Sur la forme, et plus particulièrement sur le sujet de la procédure de prise des décisions, une ligne de fracture est apparue au sein des 175 pays réunis à Paris. Le bloc BRIC (Brésil, Russie, Inde et Chine), renforcé par l’appui de l’Arabie-Saoudite s’est affirmé en contre-poids des pays réunis sous la bannière de la coalition de haute ambition (composée notamment des pays membres de l’Union européenne, du Canada, du Japon et de l’Australie). Les premiers revendiquent une prise de décision basée sur le consensus quand les seconds privilégient un recours au vote à la majorité qualifiée en l’absence de consensus. En creux, sans l’exprimer ouvertement, les premiers cherchent avec le consensus un droit de véto sur des décisions qui viendraient à remettre en question leurs intérêts économiques.

Sur le fond, les mêmes blocs s’opposent sur les mesures à prendre pour mettre un terme à la pollution plastique. Pour les premiers, le problème à traiter est uniquement celui de la gestion des déchets. Pour les seconds les solutions doivent être plus globales, en identifiant des mesures applicables aux différentes formes de pollutions, tout au long du cycle de vie des objets en plastique. La semaine de négociations a également révélé deux visions de l’économie circulaire. Celle où tout serait résolue par le recyclage, face à celle ou les solutions passent hiérarchiquement par la réduction, par le réemploi, puis par le recyclage, comme dernier recours.

Toutes les lignes de friction n’ont pas trouvé de solutions lors de cette semaine parisienne du Comité international de négociation. D’autres rendez-vous sont d’ores et déjà pris au Kenya à l’automne 2023, au Canada au printemps 2024 puis en Corée du Sud à l’automne 2024.

Une avancée reste cependant à mettre à l’actif de la séquence parisienne des négociations. Un mandat a été donné au Président du Comité international de négociation, le Péruvien Gustavo Meza-Cuadra, pour élaborer avant le prochain rendez-vous au Kenya, une première version d’un projet de traité, appelé « draft zero », sur la base des travaux effectués à Paris et des contributions à venir.

Un long chemin reste à parcourir pour nous extraire de cette spirale infernale de la pollution plastique dont les conséquences sur le climat, sur la biodiversité et sur notre santé nous obligent à agir vite et collectivement, chacun à notre échelle et avec nos capacités d’actions respectives.

Article publié le 6 juin 2023